L'amitié est la communauté des secrets | Arthur & Jonathan

L

a prochaine pleine lune ne tarderait pas à pointer le bout de son nez. Arthur n'avait pas besoin d'avoir un calendrier lunaire constamment sous les yeux pour le ressentir (même si, évidemment, il en avait tout de même un à sa disposition, on n'est jamais trop prudents). C'était toujours la même chose, les quelques jours précédant le moment de son inévitable transformation, il sentait ses sens s'aiguiser, ses réflexes augmenter, il se sentait plus alerte et, de même, il ressentait une sorte d'appétit animal qui n'avait rien de normal. Il ne savait pas si tous les lycans avaient ce même sentiment ou s'il était le seul. Parfois, il se disait que c'était peut-être juste psychologique.

Il savait que cela arriverait bientôt, alors son mental le préparait à la métamorphose physique. Ce n'était peut-être rien de plus que cela... A la différence près qu'il craignait fort que sa nature se manifeste au moment le moins opportun, comme ça avait déjà été le cas. Depuis l'épisode qui aurait tout à fait pu coûter la vie de sa petite amie, rien ne s'était passé, mais il avait peur... il craignait fort que cela se reproduise...

Alors oui, il avait toutes les raisons d'avoir les nerfs à vif, et l'inactivité lui devenait insupportable. Rester à ruminer chez lui (bien que le fait que Gwenn y vive dorénavant rendait la situation plus supportable que lorsqu'il restait seul dans son coin, d'autant qu'elle était parfaitement bien placée pour savoir ce qu'il traversait) ou au travail nécessitait un effort soudain. Il avait le plus grand besoin de se changer les idées, c'était une certitude...

Et quand il avait croisé le chemin de Jonathan, il avait songé que c'était le meilleur moyen d'y parvenir : partager un moment convivial, entre amis, tout simplement. Certes, il avait peur que sa nature... disons canine, reprenne le dessus, mais en même temps, il ne pouvait tout simplement pas se permettre de se terrer seul dans son coin. Il avait envie de passer du temps avec un ami, tout simplement. Raison pour laquelle il était venu frapper à la porte de Jonathan.

-Salut, Jonathan. Il lui adressa un sourire tout en rentrant, à la demande de son ami. Comment tu vas ? J'ai l'impression qu'on ne s'est pas vus depuis une éternité.

Et ils avaient forcément beaucou de choses à rattraper.

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P

lein de nouvelles à lui annoncer... au moment où Jonathan prononça ces mots, le lycan fut bien contraint d'observer les limites de leur amitié. Certes, les secrets qu'ils se faisaient l'un à l'autre (même si Arthur ignorait que Jonathan avait des secrets pour lui - c'était tout le principe de la chose, après tout -, des secrets qui changeraient sans aucun doute l'image qu'il avait de lui) n'empêchaient pas leur amitié d'être sincère, mais ils empêchaient en revanche une conversation franche et honnête sur les événements qui avaient ponctué son quotidien ces temps derniers. Si Arthur ne cachait rien à Jonathan, il lui aurait certainement parlé du fait que ses pouvoirs avaient fait des siennes dernièrement, et qu'il avait eu peur, vraiment très peur, des conséquences que cela aurait bien pu avoir. Il lui aurait également parlé de l'avancement de ses projets à l'encontre de Dean Appers et des sorciers de grottes, mais là encore, il ne pouvait pas se permettre de dire quoi que ce soit.

C'était une chose dont il avait déjà envisagé de parler à son interlocuteur. Mais ça impliquait trop de variables différentes. S'il avait su que Jonathan était un myrihande, peut-être qu'il se serait jeté à l'eau plus facilement, mais là, il préférait ne rien en dire, quand bien même le groupe qu'il organisait avec Owen contre le sorcier accaparait une très grande partie de son attention. Que restait-il à dire alors. Tout de même deux trois choses qui avaient leur importance.

-Eh bien, la bibliothèque fait toujours son chiffre d'affaires, je n'ai pas trop à me plaindre, affirma-t-il pour commencer, puisque parler boulot était l'une des choses les plus logiques à dire et à faire. Et avec Gwenn, tout se passe bien, vraiment. En fait, je ne m'étais jamais senti aussi bien avec quelqu'un.

Si on oubliait le fait qu'il avait bien failli la tuer récemment... Jonathan avait été un de ceux parmi les premiers à être au courant de sa relation avec Gwenn, et du déroulé de cette dernière. Depuis le moment où elle avait emménagé chez lui alors qu'ils étaient supposés n'être qu'amis (en occultant les problèmes d'alcool de la jeune femme, même si tout le village était plus ou moins au courant... ces choses-là se savent bien vite) jusqu'à celui où ils s'étaient mis ensemble.

-Et toi alors ? Quelles sont les nouveautés de ton côté ? l'interrogea-t-il à son tour, sans réaliser que son interlocuteur aussi ne pourrait lui apprendre qu'une fraction de la réalité.

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A

rthur sourit très sincèrement à Jonathan quand ce dernier lui assura être vraiment heureux pour lui. Le lycan était convaincu de pouvoir croire son ami sur parole et il ne lui viendrait pas un seul instant à l'esprit l'idée de contester ses dires, Jonathan était heureux pour lui tout comme Arthur le serait pour Jonathan s'il l'accueillait avec de bonnes nouvelles. Bon, ça ne voulait pas dire que la vie était complètement idyllique non plus, mais au moins il y avait de bonnes raisons de se réjouir, de sourire et de vivre, et l'air de rien, c'étaient des choses importantes.

Avoir dans son entourage une personne sincèrement capable de se réjouir de votre bonheur, cela pouvait n'avoir l'air de rien, mais en réalité, Arthur était bien placé pour savoir que ce n'était absolument pas donné à tout le monde et qu'il fallait apprécier ces amitiés si précieuses quand on avait la chance infinie d'en bénéficier comme c'était son cas.

En retour, d'ailleurs, Arthur ne demandait qu'à pouvoir se réjouir à son tour de ce que son interlocuteur pourrait avoir à lui dire, mais semble-t-il qu'il n'avait finalement pas tant de choses que cela à raconter de son côté. Il lui soutint que sa vie n'était pas très excitante, mais au moins, il lui assurait que tout allait bien pour lui, et c'était ce qui importait. Bien évidemment, Arthur ne disposait d'aucun moyen de s'assurer que Jonathan disait effectivement vrai, mais il avait la faiblesse de penser que ce dernier disait vrai quoi qu'il en soit.

-La routine, ça a du bon aussi, je dirais même que c'est ce qu'il y a de mieux, répondit Arthur avec un sourire.

Il le pensait, il n'y avait pas forcément grand-chose de bon à vivre des événements trop excitants. Ce que Arthur avait vécu de plus palpitant dans sa vie, c'était la mort de ses parents et de sa soeur, sa transformation en loup-garou, ses échappées nocturnes les soirs de pleine lune, sa lutte contre le sorcier. Chacun de ces événements lui avaient l'air de rien et contre toute attente apporté quelques bonnes choses, mais il tirerait une croix dessus sans hésiter si ça pouvait lui permettre de mener une vie simple et paisible, au sujet de laquelle il n'aurait rien à raconter mais de laquelle il serait pleinement satisfait.

-Je suppose, donc, que tu n'as toujours pas de future madame Caldwell à me présenter ?

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A

rthur connaissait Jonathan depuis longtemps, maintenant. Ils étaient amis de longue date, tous les deux, si bien que le lycan pensait ne pas se tromper quand il cherchait à décrypter l'attitude et le regard de son interlocuteur. Et en l'occurrence, il lui sembla bien qu'il avait mis le doigt sur quelque chose, et que donc, Jonathan avait bel et bien trouvé quelqu'un. Avant même que son ami ne prenne la parole, il en était déjà convaincu, en revanche, il avait supposé que son ami n'avait pas voulu lui en parler parce que sa relation était encore récente et qu'il n'avait pas eu envie de se précipiter. Il dut comprendre bien vite qu'il avait eu tort.

Oui, il y avait bien quelqu'un dans la vie de Jonathan, et au ton qu'employait ce dernier, c'était du sérieux. S'il n'avait pas évoqué le sujet, ce n'était pas par réticence à l'idée que cette histoire tourne court, mais parce qu'apparemment, elle serait sujette au jugement d'autrui. Arthur fronça les sourcils. Il lui arrivait d'être observateur, mais en l'occurrence, il n'avait pas la moindre idée de là où son interlocuteur voulait en venir. Il n'avait absolument rien constaté du petit manège entre lui et sa "belle-soeur". Le couple avait voulu se faire discret, et bien c'était réussi, Arthur n'y avait vu que du feu, et il ne manquerait pas d'être surpris en apprenant la nouvelle, s'il devait l'apprendre.

En attendant, il avait beau se formuler en esprit quelques hypothèses qui justifieraient les propos de son interlocuteur, rien ne lui venait vraiment à l'esprit, si ce n'est qu'il fréquentait peut-être une femme mariée, ou bien plus jeune ou plus âgée, ou récemment séparée. Dans tous les cas, Arthur se promettait intérieurement de ne pas juger l'histoire de Jonathan trop sévèrement. Il était bien placé pour savoir que l'amour ne se commande pas, et qu'il serait malvenu de porter un jugement sur une histoire dont on n'est pas l'acteur.

-Je te promets que je ne te jugerai pas, lui assura Arthur avec le plus grand sérieux. Bien sûr, c'était une promesse facile à faire tant qu'il n'avait pas appris de quoi il retournait, mais il était sincère malgré tout. Dans tous les cas, il était trop curieux pour se contenter de ça. Alors, de qui il s'agit ?

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A

rthur ne savait pas réellement à quoi s'attendre vis à vis de Jonathan, concernant les révélations qu'il avait à lui faire, mais dans tous les cas, il se promettait de garder l'esprit ouvert et de le laisser lui parler à coeur ouvert de la personne qui réussissait à le faire battre, justement. Il n'avait aucune intention ni envie de juger inutilement sa relation. Il savait combien le sentiment amoureux était une chose aussi puissante que soudaine, quelque chose qui vous tombe dessus sans que vous n'ayez rien demandé, et qui exige de vous que vous combiniez avec, peu importe l'ardeur avec laquelle vous choisiriez de lutter contre ces sentiments. Alors il était prêt à tout entendre, en effet, et il voulait tout entendre, d'ailleurs. Il se disait que cette conversation était d'autant plus importante qu'il s'agirait là d'une chose que, de toute évidence, Jonathan ne dirait pas à tout le monde, alors il faudrait qu'il se montre indulgent quoi qu'il en soit.

Jonathan ne tarda pas à lui en dire davantage. Au moment où il évoqua Horace, Arthur comprit presque directement où son ami voulait en venir, et la suite de son discours le confirma. Leur chagrin commun les avait rapprochés tous les deux. Et finalement, leur relation avait... dévié... Arthur, en vérité, s'attendait à "pire". Enfin, tout était relatif. Il s'était mis autre chose en tête, disons, mais dans le fond, il n'était pas si surpris que cela de la nouvelle.

Rien à voir avec le fait que les Caldwell avaient laissé transparaître quoi que ce soit, loin de là, mais du peu qu'il connaissait Iris, Arthur n'avait aucun mal à l'imaginer avec Jonathan, et il ne comptait certainement pas blâmer ni le frère ni la veuve. La vie vous jouait parfois des tours étonnants. Elle supposait que pour le couple, la culpabilité devait être immense concernant Horace, mais si cette histoire tragique avait au moins eu le mérite de faire naître des sentiments sincères entre deux êtres qui ne se seraient pas découvert une telle proximité autrement, il avait envie de penser que ce n'était pas si terrible. Bien sûr, il se doutait que, dans le village, les ragots iraient bon train si la nouvelle s'ébruitait, mais lui était totalement disposé à tenir sa promesse. Non, il n'avait aucune intention de juger Jonathan pour ça.

-Je comprends que tu puisses t'en vouloir, vis-à-vis de ton frère. Mais il voudrait que vous soyez heureux, toi et Iris, non ? Et si vous l'êtes ensemble eh bien... Moi, en tout cas, je suis heureux pour toi.

Même s'il se raviserait certainement s'il devait connaître les circonstances exactes de la mort d'Horace.

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A

rthur ne pouvait malheureusement rien présumer de ce qui arriverait à Jonathan et à Iris s'ils devaient prendre la décision de confier leur secret au plus grand nombre. Ce n'était pas bien difficile, à son échelle, de parler comme il le faisait et de réconforter son ami du mieux qu'il le pouvait, mais il savait bien que certains autres ne prendraient pas la peine de se montrer aussi compréhensifs, et il le déplorait d'avance, d'autant qu'il ne se voyait pas recommander au couple de garder le secret trop longtemps non plus. Pour vivre heureux vivons cachés, dit l'adage, mais Arthur estimait tout de même que cet adage avait ses limites.

Si Iris et Jonathan voulaient construire quelque chose ensemble, ne serait-ce que fonder une famille, alors il était impensable qu'ils restent ainsi cloitrés, enfermés dans un mutisme obligé par les bonnes moeurs. Le lycan était bien déterminé à encourager son ami du mieux possible. Est-ce que ça suffirait ? Rien n'était moins sûr, la suite ne reposait pas sur lui, malheureusement, mais dans les situation les plus troubles, c'était tout de même rassurant de savoir qu'on avait un allié. Et c'était ce qu'Arthur comptait être pour le couple de myrihande (dont ils ignoraient qu'ils étaient des myrihandes ceci dit - ce qui n'était sans doute pas plus mal en soi) : un allié, aussi précieux et utile que possible.

Pour le moment, dans tous les cas, le secret ne devait pas être dévoilé, apparemment, c'était Iris qui freinait la situation, ce qu'Arthur pouvait comprendre. L'un comme l'autre risquaient de s'attirer la foudre de beaucoup dans cette histoire, mais quelque chose disait à Arthur qu'il y en aurait plus pour blamer la veuve d'avoir attirer le beau-frère dans ses filets que d'autres pour reprocher au frère d'avoir succombé aux charmes de la belle-soeur. Chaque chose en son temps, tant qu'ils n'étaient pas trop frustrés de la situation et réussissaient à se sentir heureux, le reste avait, après tout, une bien moindre importance quoi qu'il en soit.

-Tu ne t'es pas trompé, je promets de ne parler de tout ça à personne, pas même à Gwenn. Gwenn à qui, pourtant, il disait tout. Et si vous avez besoin d'aide en quoi que ce soit, tu ne dois surtout pas hésiter, je serai là.

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A

Arthur afficha un sourire en réponse à Jonathan quand ce dernier le remercia. Oui, Jonathan était un véritable ami pour lui, et il était évident qu’il ne pouvait que le soutenir quoi qu’il advienne (ou pas – son discours se ferait peut-être un peu différent s’il devait apprendre que le myrihande avait orchestré l’assassinat de son propre frère pour pouvoir vivre pleinement sa relation avec sa belle-sœur). Des amis, le lycan en avait peu. Il avait toujours eu un tempérament très solitaire, et sa nature de loup-garou n’avait absolument pas arrangé les choses, mais les quelques personnes qu’il choisissait de considérer comme des amis, à qui il décidait d’adresser sa sympathie et sa confiance, ces personnes-là pouvaient être sûres et certaines de sa loyauté.

En amitié comme en amour, Arthur était quelqu’un d’intègre et de dévoué… Et surtout, il n’aimait pas savoir les personnes qui lui étaient proches en proie à des tourments qui les dépassaient. Il était heureux que Jonathan ait finalement accepté de lui parler, c’était vraiment très important. Un tel secret, si on ne devait le garder que pour soi, il finissait sûrement toujours par vous ronger plus qu’il n’est envisageable de le concevoir. Jonathan s’était sans doute débarrassé d’un poids en lui parlant, et si le loup-garou pouvait l’aider à alléger son fardeau, alors il en était vraiment satisfait, il avait ainsi le sentiment d’avoir agi de la bonne façon…

-Je n’en ai jamais douté, répondit Arthur sincèrement quand son interlocuteur lui affirma qu’en retour, lui aussi pouvait lui parler de tout et ne devait surtout pas hésiter, pas un seul instant, et que sa porte lui était toujours ouverte.

Oui, c’était une chose qu’Arthur savait en effet. Il n’avait que peu d’amis, en effet, et ce n’était pas sans raison. Il estimait savoir choisir ses proches. Il savait par conséquent que s’il devait en éprouver le besoin, Jonathan serait à même de lui prêter l’oreille attentive qu’il attendait. Mais en l’occurrence, il préférait se concentrer sur l’histoire de Jonathan. Il était semble-t-il l’une des rares personnes à être dans la confidence, alord il ne devait surtout pas hésiter à s’épancher sur le sujet.

-Au fond, je ne connais pas vraiment Iris… vous pourriez venir dîner à la maison un de ces jours ? ça pourrait vous donner l’occasion de « sortir » comme n’importe quel couple ? Et ça me donnera l’occasion d’apprendre à la connaître. Bien sûr, sans la présence de Gwenn si vous voulez.

S’il voulait que sa compagne n’en sache rien, il n’en dirait rien, même s’il était convaincu que Gwenn aussi comprendrait très bien.

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J

onathan semblait apprécier sa proposition, et Arthur en était ravi. Le jeune homme voulait donner à son ami l'occasion d'avoir le sentiment de vivre une relation un peu plus normale. Il n'avait jamais connu cela, du moins pas en ce qui concernait sa vie sentimentale. Certes, il avait dû mentir sur sa condition de loup-garou, et il continuait de mentir, constamment, mais il n'avait jamais eu à dissimuler aucune de ses histoires de coeur, et il devinait que ça devait être une entreprise difficile.

Depuis qu'Arthur et Gwenn était ensemble, Arthur était si fier de leur relation qu'il ne se verrait absolument pas la cacher à qui que ce soit. Alors il ne pouvait que supposer que pour Jonathan et Iris, cela devait être la même chose. Pour une fois, pour un court instant, le couple que beaucoup s'amuseraient peut-être à juger pourrait s'afficher "en public" sans craindre le regard des autres, ni que l'on murmure sur leur passage. Et puis, cela leur donnerait une occasion de partager un moment convivial tous les quatre. Surtout qu'au bout du compte, Arthur ne savait presque rien d'Iris, il serait temps d'y remédier, vraiment. Et de même, Jonathan ne connaissait pas spécialement Gwenn non plus.

Bref, plus il y pensait, plus il se disait que c'était une excellente idée. Même s'ils n'étaient bien sûr pas les deux seuls concernés. Il faudrait que Gwenn et Iris soient également d'accord. Bon, Arthur se doutait que du côté de Gwenn, ça ne poserait jamais aucun souci. Cela dit, il ne pourrait certainement pas parler à la place d'Iris, qu'il ne connaissait pas du tout dans tous les cas.

-Parfait, alors, je vais en parler à Gwenn, et vous serez les bienvenus chez nous quand vous le voudrez.

En dehors des nuits de pleine lune, qui ne les autorisaient pas spécialement à s'organiser des petits repas entre amis, mais c'était une précision qu'il allait éviter de faire tout de même. Pour le moment, mieux valat se réjouir de cette perspective plutôt que de trop y réfléchir.

-Est-ce que vous avez déjà parlé du moment où Iris et toi avez l'intention d'officialiser les choses ?

Apparemment, c'était Iris qui freinait le processus, mais peut-être qu'elle attendait le moment opportun et avait déjà choisi ce moment opportun exactement. Mais il était aussi possible qu'ils n'en sachent trop rien.

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I

ris serait-elle ravie de l'invitation ? Arthur ne pouvait pas le savoir, mais il espérait que lui, en tout cas, car il ne demandait qu'à s'entendre avec cette femme si importante aux yeux de son ami. Et il voulait lui montrer qu'il acceptait totalement cette relation, qu'il ne la trouvait ni étrange, ni honteuse. Mais cela, ils ne pourraient qu'en prendre conscience en temps voulu. Et à ce sujet, d'ailleurs, Jonathan évoqua plus longuement le moment de la véritable officialisation de leur couple, et de toute évidence, ce n'était pas chose facile.

En tout cas, le myrihande n'avait pas de réponse précise à lui donner, il ne savait visiblement pas quand aurait lieu l'officialisation en question, et Arthur avait l'intuition que cela le tracassait, que si cela ne devait dépendre que de lui, il n'attendrait pas plus longtemps et n'hésiterait pas un seul instant à passer le cap, même si le faire, c'était évidemment s'exposer au jugement des uns et des autres. Ils ne pourraient pas empêcher les plus médisants de parler, c'est un fait, mais le lycan estimait qu'ils avaient tous deux largement les épaules de passer outre les racontards et d'afficher leur relation en toute dignité.

-Je ne peux que l'imaginer, répondit Arthur dans un fin sourire quand Jonathan observa que cette relation à distance devenait vraiment pesante. En effet, sans pouvoir vraiment se mettre à la place de son ami, il l'imaginait tout de même sans mal. En ce qui le concernait, il n'apprécierait pas de devoir se cacher, de devoir nier ses sentiments afin de ne heurter la sensibilité de personne. Ils laissaient cette décision dépendre des autres, et ça... c'était à peine acceptable, en vérité. Je vous souhaite que ça ne dure plus trop longtemps. Il marqua une légère pause. Il y en aura toujours pour s'imaginer savoir mieux que vous ce que vous devriez faire ou penser, mais l'opinion de ces gens-là ne doit pas vous affecter, ils n'en valent pas la peine.

Arthur le pensait sincèrement. Cette histoire n'appartenait qu'au jeune couple (et c'était sûrement pour cela aussi qu'ils retardaient l'échéance, pour qu'elle continue de n'appartenir qu'à eux), et personne n'avait le droit de s'approprier leur histoire.

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A

rthur voudrait détromper son ami quand ce dernier affirmait que la critique et les messes basses étaient dans la nature humaine, malheureusement, c'était entièrement faux. Même lui devait bien reconnaître qu'il lui arrivait de ne pas déroger à la règle et de se laisser dominer par certains de ses préjugés, qu'importe leur nature. Alors oui, il serait complètement utopique de croire en l'humain et de partir par conséquent du principe que tout se passerait bien dès l'instant où Jonathan et et Iris officialiseraient. Des personnes pour vouloir y mettre leur grain de sel, ce n'est sans doute pas ce qui allait manquer. Il fallait simplement se montrer fort et laisser couler.

Là-dessus, le lycan ne se faisait pas vraiment d'inquiétudes, il connaissait Jonathan, il savait qu'il n'était pas fragile et ne se laissait pas marcher sur les pieds, encore moins affecter par l'opinion d'autrui. Quant à Iris... Il est vrai qu'il la connaissait moins bien, mais de ce qu'il savait, elle aussi avait le tempérament et le caractère nécessaires pour affronter les éventuels quolibets qui finiraient par pleuvoir sur eux. Se concentrer sur l'avis de ses proches, c'était ce qui lui importait, et Arthur appréciait qu'il lui ait adressé cette confiance, et d'avoir été digne de cette confiance. Il comptait bien lui prouver qu'il avait eu raison. S'il devait vraiment faire face au courroux des uns ou des autres, il serait là pour plaider sa cause et pour le défendre. Même si Jonathan n'avait sans doute besoin de personne pour être défendu.

-C'est naturel, répondit-il dans un fin sourire.

Il se doutait que ce ne le serait pas tant pour grand-monde, mais il le pensait quoi qu'il en soit. Oui, c'était tout natuel pour lui que de soutenir son ami, et de l'encourager. Il le voyait amoureux, il le voyait heureux, il n'envisageait certainement pas de le lui reprocher alors que, bien évidemment, c'était ainsi qu'il préférait le voir. Et ne plus vivre dans le secret serait sans doute libérateur.

-Est-ce que tu en as parlé à d'autres personnes ? Est-ce qu'il y a des personnes dont tu redoutes la réaction ?

Il pouvait comprendre qu'il puisse avoir plus de réticences concernant d'autres personnes, qui seraient peut-être plus fermées d'esprit. Et en tant qu'amis, il estimait qu'il était de son devoir d'entendre ses réticences et ses inquiétudes.

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A

rthur fut assez étonné de la réponse que lui donna son interlocuteur. De toutes les personnes qu'il connaissait au sein du village, Jane et Edward Baker n'étaient définitivement pas de ceux dont le lycan se serait imaginé que Jonathan leur aurait confié son secret. Outre la différence d'âge (qui aux yeux d'Arthur était encore amplifiée par l'immaturité crasse et manifeste du couple de myrihandes du feu), il n'avait pas eu le sentiment que les deux couples soient si proches que cela. Certes, il ne s'y était pas spécialement intéressé non plus, mais il n'empêche...

Il n'aurait pas parié sur eux... mais soit, ça faisait au moins des personnes au courant, et ce n'était pas plus mal (même si le fait qu'il ajoute que toutes les personnes qu'il estimait vraiment étaient au courant posait encore d'autres sortes de questions - certes, il se sentait flatté par cette affirmation, oui, mais la même question se posait selon lui : pourquoi les Baker ?). Parmi les personnes qu'il estimait vraiment et qui ne savaient encore rien, il restait donc Cael. Cael Crimson, donc. Arthur ne le connaissait que de loin, un peu mieux depuis qu'Owen les avait présentés, mais pas assez pour qu'il se soit fait une opinion définitive... surtout que leurs conversations avaient tourné autour du Sorcier et de pas grand-chose d'autre.

Il ne serait pas étonné d'apprendre que le fé était du genre conservateur... mais il avait aussi compris que c'était un brave type, qui se souciait sincèrement de son entourage, alors même s'il était encore affecté par la mort d'Horace (ce qui était compréhensible - Arthur trouvait un peu étonnante la distance avec laquelle Jonathan réussissait à parler du décès de son frère, même s'il remontait... lui souffrait encore de la disparition de sa soeur et de ses parents, et pourtant, elle remontait à il y a des années - mais chacun faisait son deuil à sa manière), il finirait sûrement par comprendre, en utilisant les mots qu'il fallait.

-Tu devrais lui en parler tout de même, tu pourrais bien être agréablement surpris, suggéra Arthur. Et dans le pire des cas... eh bien, au moins, les non-dits seraient levés, et Jonathan saurait définitivement pas à quoi s'en tenir. Je n'imaginais pas un seul instant que tu étais aussi proche des Baker, ajouta-t-il, incapable de garder sa curiosité pour lui-même.

Lui avait fini par connaître assez bien Jane, puisque Gwenn et elle étaient meilleures amies, mais il restait tout de même assez circonspect.

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pparemment, les gens dont il se sentait le plus proche avaient des affinités avec Jane Baker. Arthur se l'expliquait difficilement. Pour lui, elle n'était jamais qu'une gamine sans grand intérêt, avec plus de défauts que de qualité à son actif... d'un autre côté, si Gwenn la considérait comme sa meilleure amie, si Jonathan la considérait comme une petite soeur, c'est qu'il y avait peut-être à creuser. Dans tous les cas, c'était malgré tout une surprise pour Arthur de découvrir que Jonathan considérait la jeune femme comme une proche. D'un autre côté, il se rendait bien compte que le lycan, au regard de ce qu'il découvrait concernant son ami, avait encore pas mal de choses à apprendre à son sujet. Il n'était jamais trop tard, quoi qu'il en soit.

Et Iris, donc, était proche d'Edward. Cela pourrait peut-être mettre la puce à l'oreille d'Arthur, qui savait que les Baker étaient des myrihandes, mais le fait qu'il ne supposa pas pour autant que les Caldwell puissent être leur équivalent, lié à l'air, et que cela justifie leur rapprochement. Loin de là. Pour ce qui était d'Edward Baker, sans le connaître vraiment, Arthur n'aurait pas grande difficulté à rejoindre l'opinion de son ami. Il faut dire que Gwenn ne lui en avait clairement pas donné le portrait le plus flatteur que l'on puisse imaginer. Mais cela, après tout, ne le concernait pas vraiment. Dans tous les cas, le plus important, c'était que le couple ait su s'entourer de personnes compréhensives, qui soient véritablement capables de les aider à s'accepter et à se faire accepter des autres. Et si Arthur pouvait y contribuer, lui aussi, il le ferait avec plaisir.

-Je vois. Il se trouve que Jane est la meilleure amie de Gwenn... Comme quoi, notre terre est vraiment petite, constata-t-il alors avec un sourire. C'était le moins que l'on puisse dire, en effet. En tout cas, je pense que vous êtes prêts. A assumer la vérité auprès des autres. Bien sûr, c'est votre décision, mais honnêtement, je pense que vous ne devriez pas vous retenir de vivre votre histoire au grand jour. Vous ne faites rien de mal.

Bon, à part le fait qu'ils avaient tué leur frère et mari... Mais ça, c'était une chose qu'il ne savait heureusement pas.

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