[Event] Dis moi tout (Eponine <3)

E

ponine commençait à comprendre pourquoi elle n'avait jamais outre mesure apprécié la fête du printemps, et pourquoi d'autres attendaient ce moment avec à ce point d'impatience. Les jeux, le buffet, la musique... tout cela, c'était bien beau, mais ça n'avait jamais qu'un intérêt très moyen, quand on en profitait seul (ou en compagnie de ses parents, ce qu'elle faisait dans son enfance, et qui était sans doute pire encore). Cette année, la jeune humaine était véritablement impatiente de se rendre à cette soirée, et elle savait pourquoi : parce qu'elle serait avec Aaron, tout simplement, et, quoi qu'ils fassent, elle en serait heureuse, parce qu'ils pourraient dans tous les cas profiter de la présence l'un de l'autre. C'était la première fois, par ailleurs, qu'ils se rendaient ensemble dans un endroit bondé. Cela, quelque part, officialisait leur relation, et clairement, Eponine appréciait cela. Non pas qu'elle veuille pavoiser auprès des autres, s'ils pouvaient ne rencontrer personne de connu, ce serait encore mieux, c'est certain. Mais elle avait le sentiment de pouvoir affirmer, dorénavant que leur relation était sérieuse, et cela lui plaisait vraiment énormément. La soirée se déroulait pour l'heure du mieux possible. Ils ne se mêlaient pas aux autres, ce qui lui convenait très bien, restant un peu à l'écart, profitant seulement de leur compagnie mutuelle. Eponine voulait croire qu'ils se suffisaient largement l'un à l'autre, malgré les quelques divergences d'opinion qui pouvaient par moments les opposer. Difficile d'y couper, dans n'importe quel couple. Sauf que là, c'était des convictions très profondes, cela devait forcément poser problème à un moment ou à un autre. Et le destin força ce moment à arriver très tôt, sans nul doute beaucoup trop tôt. Parce qu'il y eut cette brume épaisse et sombre, puis tout à coup, Eponine s'était sentie étrange, tout comme le fut la question qu'Aaron lui posa très spontanément, comme s'il l'avait gardé si longtemps pour lui qu'elle était tout bonnement contrainte de s'échapper de ses lèvres désormais. Eponine fronça les sourcils, et s'entendit tout à coup répondre avec la plus totale des franchise, et sans une once d'embarras dans la voix.

-Parce qu'elles me fascinent. répondit-elle très posément. Quand j'ai découvert que mon voisin était un sorcier, je me suis dit que ça devait être incroyable d'avoir tous les pouvoirs qu'ils possèdent. Rien ne leur est impossible. Elle marqua une pause. S'il m'était donné de devenir comme elles, je l'accepterais sans aucune hésitation.

Voilà qui était dit. Elle qui pensait ne jamais exprimer les choses en des termes si directs avec Aaron. Il était évident qu'elle ne pouvait pas garder éternellement sa lubie pour elle, à un moment ou à un autre, ça devait forcément lui porter préjudice auprès de son chasseur de petit ami, mais elle avait pensé y mettre les formes, pas entrer ainsi dans le vif du sujet, sans une once de délicatesse et de tact. Elle ne pensait pas davantage lui parler d'Enoch... dire qu'elle était fascinée, c'était une chose, admettre qu'elle était tentée d'être des leurs, raison pour laquelle elle laissait Hélio lui "tourner autour", elle ne pensait pas le faire, jamais, quitte à placer Aaron devant la fatalité des choses. De toute évidence, les prochaines minutes (heures ? ) allaient être tendues. Si elles ne marquaient pas tout simplement la fin de leur histoire à peine entamée.

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N

on, Éponine ne plaisantait pas, elle était plus que sérieuse, et elle était à cet instant convaincu qu'Aaron le savait pertinemment. Ce n'était pas le genre de choses qu'elle aurait dû dire, mais cela lui était venu très instinctivement, comme si son envie la plus forte à cet instant avait été de lui déballer tout net ce qu'elle pensait vraiment, sans philtres, quitte à lui faire du mal, quitte à ce que son estime d'elle tombe au plus bas, par pur soucis d'une honnêteté qu'elle avait très bien su ranger au placard jusque là. Sa réaction n'avait pas grand chose de surprenante, il était normal qu'il prenne très mal ses résolutions, après tout, elle venait concrètement de lui dire qu'elle aspirait à devenir tout ce que, pour sa part, il détestait, mais elle devait reconnaître se sentir blessée quand elle l'entendit lui dire que dans ce cas, il n'hésiterait pas à la tuer. Il y avait si peu d'hésitation dans le ton de sa voix qu'elle ne se voyait pas remettre sa parole en cause. Elle était convaincu qu'il le pensait. Et quoi ? Pensait-il vraiment qu'en changeant de nature, cela modifierait quoi que ce soit à ce qu'il aimait chez elle ? Son caractère, son tempérament, son attitude ? Mais en fait, l'aimait-il vraiment. Il est certain que sa réflexion ne l'invita qu'à se braquer (ce qui en temps normal aurait signifié qu'elle coupait court au dialogue et s'en allait le plus loin possible, alors que là, elle était plutôt d'avis de tout déballer immédiatement, tant qu'ils y étaient), autant que la question qu'il lui posa alors. Pouvait-il vraiment croire d'elle qu'elle n'était qu'une simple manipulatrice, qui tentait de lui extirper tout son savoir avant de le larguer comme une grosse chaussette.

-D'accord, quand on s'est rencontrés, j'ai voulu t'approcher parce que j'avais compris que tu savait énormément de choses sur les créatures. Mais pour mémoire, le jour de notre rencontre, tu avais essayé de me tuer, désolée si ça n'a pas été le coup de foudre au premier regard. Elle croisa les bras... Mais au final, si j'essayais de te voir si souvent, au final, c'est pas parce que les créatures me fascinaient. Tu me fascines bien plus qu'elle, si tu veux tout savoir. Elle poussa un soupir. Je me sers pas de toi, je t'aime. C'était la première fois qu'elle lui adressait ces mots si directement, mais ils n'auraient pas pu être prononcés de façon plus sincère, tout simplement parce que quelque chose l'empêchait manifestement de ne pas l'être. Je t'aime et ça me fait chier, parce que visiblement, toi, tu ne m'aimes pas assez pour tout accepter de moi.

Ses mots étaient durs, c'est certain, mais c'était une fois de plus là des réflexions qu'il lui était tout bonnement devenu impossible de garder pour elle, pas alors que ça lui rongeait profondément l'esprit. Il l'avait dit en ces termes, il se sentait capable de la tuer, si elle ne prenait pas les décisions qu'il désirait, il serait capable de la regarder droit dans les yeux et de mettre fin à ses jours. Quelle sorte d'amour était-ce que ça ? Elle ne pouvait pas concevoir que ça en soit vraiment.

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À

ce stade, difficile de savoir si les deux tourtereaux réglaient leurs comptes ou se faisaient des déclarations enflammées. Manifestement, c'est l'un et l'autre, parce que leurs convictions respectives était finalement aussi importantes que les sentiments qu'ils avaient l'un pour l'autre, et puisque les deux entraient en contradiction et qu'ils s'en faisaient simultanément l'aveu, forcément, cela faisait des étincelles... Quoique là, Eponine était tellement touchée par la déclaration d'Aaron qu'elle avait bien du mal à se sentir encore en colère. Elle en oublierait presque qu'il avait parlé de la tuer l'instant d'avant, comme elle avait oublié qu'il avait bien failli le faire lors de leur première rencontre. C'est qu'ils étaient tous les deux réservés, pas le genre à se faire de grandes déclarations sur la place publique comme ils le faisaient maintenant, mais bon sang, que c'était agréable à entendre. Eponine n'en donnait pas forcément l'air, mais le fait est qu'elle doutait souvent, et surtout d'elle-même, comprendre qu'Aaron l'aimait avec la même intensité qu'elle-même, ça lui faisait un bien fou, et quand elle l'entendait parler de la sorte, elle savait qu'il ne lui mentait pas, elle était entièrement convaincue qu'il disait la vérité, et qu'elle pouvait le croire sur parole, de toute façon, le mensonge et l'hypocrisie ne semblaient pas à être à l'ordre du jour. Bien malgré elle, elle sentait un sourire inhabituel et sans doute un peu bête s'afficher sur son visage, sans qu'elle puisse rien y faire, sans qu'elle veuille vraiment rien y faire. Il lui semblait que son coeur n'avait jamais battu aussi vite, si bien que ce tambourinement tairait presque ce qu'il disait ensuite...

...mais qu'elle devait bien entendre malgré tout. Pour Aaron, devenir une créature, ce n'était plus être la même... Elle pouvait comprendre où il voulait en venir, mais difficilement l'approuver. Après tout, avec ou sans pouvoir, elle ne pensait pas que sa personnalité changerait en quoi que ce soit. Mais en même temps, pouvait-elle le garantir ? Non. Et la perspective de perdre Aaron en devenant ce qu'elle avait toujours voulu être, après les mots qu'il venait de lui adresser, lui semblait bien moins soutenable qu'avant. Bien sûr que l'envie et le rêve ne disparaissaient pas, ils ne disparaitraient certainement jamais, elle acceptait de voir les choses sous un jour un peu différent.

-Tu ne peux pas être sûr de ça. affirma-t-elle doucement, mais le simple fait qu'elle n'insiste pas davantage prouvait bien qu'elle n'était pas davantage sûre elle-même. Elle s'approcha de lui, son regard ne lâchant pas le sien. Je veux pas te perdre, Aaron.

Et c'était bien la chose la plus sincère qu'elle pouvait lui dire. Elle ne savait pas vraiment où elle en était avec tout ça, mais ce qui était certain, c'est qu'elle ne supporterait pas que le jeune homme se détourne d'elle, ou pire, la haïsse. Sans prévenir, elle se serra dans ses bras. Il lui fallait toute cette honnêteté vis à vis de lui et d'elle-même pour être capable si spontanément d'un geste pourtant naturel.

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É

ponine se sentait bien, vraiment bien, comme elle ne l'avait jamais été. Elle était passée en si peu de temps par tant d'émotions différentes qu'elle se sentait pour le moins bouleversée. Elle avait expérimenté en un temps record un mélange de crainte, de colère, et finalement d'apaisement, car pour dissiper toute cette négativité, elle n'avait besoin que d'une chose : des bras d'Aaron l'enserrant, de se sentir tout contre lui. Jamais elle ne s'était sentie à ce point fragile et dépendante de quelqu'un d'autre mais, au fond, elle aimait cela. C'était agréable de s'abandonner à ce point à quelqu'un d'autre, même si, au final, ça vous rendait un peu faible. Peu importe, elle appréciait. Après avoir eu peur qu'il la quitte, il lui disait qu'il ne voulait pas la perdre, et entendre ces mots, qui lui semblaient venir du coeur, même si Aaron ne s'épanchait d'ordinaire pas sur ses sentiments (en même temps, elle non plus, elle ne savait pas ce qui lui arrivait). Il ne s'en remettrait pas... Il pouvait le dire pour la forme, c'est sûr, mais Éponine, sans pouvoir expliquer pourquoi, ressentait qu'il n'exagérait rien, qu'il le pensait vraiment. C'était rassurant... Et elle sentait ses envies de se rapprocher des créatures, d'en devenir une, même, s'amenuire à son contact. Elle avait envie d'être quelqu'un d'exceptionnel... Et elle se sentait plus exceptionnelle que jamais parce qu'elle l'était à ses yeux. Un sentiment qu'elle n'avait jamais éprouvé jusqu'alors... et certainement pas au contact de ses parents, qui s'y entendaient comme personne pour la rabaisser constamment... Ce n'était pas pour rien, au fond, qu'elle en était arrivée là en premier lieu...

-Je voulais pas te décevoir... dit-elle tout doucement. Et en effet, c'était la dernière chose qu'elle ait jamais voulu. Elle trouvait qu'il n'y avait rien de pire que la déception, et ce n'était pas pour rien qu'elle n'avait pas tout avouer à son petit ami... sans oublier qu'elle avait craint les conséquences, bien sûr... et cette crainte referait sans doute surface à un moment ou à un autre, mais elle avait gagné de nouvelles certitudes. Et cela rendait quand même les choses plus facile. J'ai jamais ressenti ça avant.

Ça, les sentiments qu'il lui inspiraient, somme toute, et qu'elle ne s'était jamais imaginée éprouver comme c'était le cas à présent. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle s'en sentait comme l'impérieuse obligation maintenant, mais elle éprouvait comme le besoin de le lui dire. Tant que, justement, elle parvenait à déballer tout ce qu'elle pensait; et qu'elle gardait autrement pour elle, incapable de les exprimer correctement le reste du temps, et pour cause, elle était l'inverse de loquace, l'inverse d'expressive, et l'inverse de démonstrative... Elle se rendait compte maintenant que ce pouvait être parfois un tort... Bon nombre de non-dits s'étaient installés déjà entre eux alors que leur histoire commençait à peine. C'était bien de pouvoir tout déballer avant que les choses ne s'enveniment vraiment. Et parfois, certaines vérités qu'il fallait révéler, les plus belles de toutes, étaient au final l'inverse de nocives.

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C

ombien de fois avait-on dit « je t’aime » à Éponine ? La jeune femme serait tentée de dire aucune, même si ce serait certainement une réponse hypocrite (qu’elle était donc incapable de faire, puisque seule la vérité savait pour l’heure franchir le seuil de ses lèvres), puisque ses parents avaient sans doute dû prononcer ces mots à son adresse avant de l’imaginer possédée par ils ne savaient quel démon. Mais c’était seulement quand Aaron les prononçait qu’elle en appréciait toute la saveur, et elle n’aurait rien eu contre le fait de l’entendre le lui dire encore et encore, même si c’était loin d’être dans le caractère du chasseur, qu’elle aimait aussi, justement, parce qu’il n’était généralement pas si démonstratif, pas si prompt à faire étalage de ses sentiments. Tout comme elle-même ne l’était normalement pas. Normalement. Si Éponine ne réalisait pas un seul instant être la victime d’un vicieux sortilège, une part avait malgré tout conscience que cette soirée était autant une étape importante dans leur relation qu’une intermède au cœur de celle-ci, où tout pouvait se dire sans fausse pudeur, avant que le quotidien ne retrouve sa juste place et que les déclarations passent par des silences qu’ils seraient alors plus que jamais aptes à comprendre l’un comme l’autre.

Tout ce qu’Aaron lui disait, Éponine pouvait le lui rendre, lui répondre exactement la même chose, car elle aussi l’aimait, comme elle n’avait jamais aimé qui que ce soit auparavant (si elle avait seulement aimé qui que ce soit avant Aaron), et pour elle aussi, cette histoire était importante, ce n’était pas une simple amourette dont elle saurait se remettre facilement si cette dernière devait connaître une issue tragique (ce qu’elle n’espérait évidemment pas). Elle voulait passer autant de temps que possible avec Aaron, elle voulait être la seule qui compte à ses yeux comme il était le seul à compter pour elle, faisant fi de l’égoïsme qu’une telle pensée induisait nécessairement et logiquement.

-C’est ce que je veux, moi aussi. Souffla-t-elle aussi avec la plus désarmante des sincérités. Je te promets que je ferais tout ce qu’il faut pour ne jamais te perdre.

Et cela sous-entendait, évidemment, qu’elle serait prête à renoncer non pas à son obsession des créatures (ça, c’était ancré en elle, ce n’était pas comme si elle pouvait véritablement y remédier de quelque manière que ce soit), mais au fait d’en devenir elle-même si cela pouvait lui permettre de demeurer auprès de lui toujours, puisque c’était le mot qu’il avait lui-même employé, et qui lui plaisait beaucoup pour sa part, « toujours ». Et c’était une promesse effectivement sincère, qu’elle découvrait être sincère en même temps qu’elle la faisait. Elle ne pouvait toujours pas mentir, et c’était au moment où elle parlait, où des lèvres s’échappait ce que son cœur éprouvait, qu’elle réalisait elle-même de quoi elle se sentait capable par amour pour le jeune homme. Il méritait qu’elle mette de côté ses désirs insensés. Il n’y avait rien, au fond, qu’elle désire davantage que de passer tout son temps, toute sa vie, même, avec Aaron.

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