On my own - Déa Stark

Rejetant sa tête en arrière, étirant ses bras vers le ciel lumineux de ces derniers jours d'été, elle profitait sans vergogne de la caresse du soleil sur sa peau d'opaline, alors que ses jambes se substituait peu à peu à sa queue de poisson, débarrassée peu à peu de l'eau qui la recouvrait. Ses paupières closes goûtaient à la brise douce et légère. Voilà ce qu'était le bonheur dans sa plus parfaite application. Elle se prélassait dans cette oisiveté dénuée de tout scrupule. Se redressant à regret, Déa se leva, s'empara de sa plume et de son carnet. Entreprendre d'écrire, lorsqu'on est la paresse incarnée, est une entreprise un peu vaine, mais se jouer des mots et de leur portée, raconter, imaginer, avait toujours été de ces seuls loisirs qu'elle trouvait dignes d'intérêt. Et par ailleurs, sa plume n'était pas si mauvaise, c'est du moins ce que répétait le rédacteur en chef du journal du village, quand elle s'obligeait à y rédiger. Oui, elle était journaliste... Après tout, paresseuse ou non, il fallait bien qu'elle gagne sa vie.

Elle avait commencé à écrire très jeune, et la raison en était simple. Déa détestait sa vie, purement et simplement. Elle était de ce parfait ennui susceptible de vous faire sombrer dans cette sorte-même de fatigue qui ne plaisait en rien à la jeune femme. Pourtant, il est vrai, nombreux sont ceux qui envieraient sans doute l'enfance de la jeune Stark. Quand tant d'individus sont frappés dès le plus jeune âge par les pires horreurs que l'on puisse concevoir, Déa, elle, considérait que son enfance en avait considérablement manqué... de piment. Ses parents la chérissaient, c'est certain, et ils la chérissent toujours, d'ailleurs (même s'ils ne s'abstiennent jamais de lui faire remarquer qu'il serait tant qu'elle fasse quelque chose de concret de sa vie et cesse de jouer les écrivaillons de bas étage), ils offrirent à leur fille unique l'aube la plus douce à une vie qu'elle espérait plus mouvementée. Mr et Mrs Stark, au grand dam de leur fille, étaient des individus particulièrement discrets. Bien sûr, ils prirent grand soin de leur progéniture, bien sûr elle ne manqua jamais de rien... et à l'école également, elle ne trouvait nul prétexte à se plaindre. Sociable, les amis ne lui manquèrent jamais. Mais quel ennui que cette enfance profondément lisse ! Écrire était son unique bouclier contre la lassitude. S'inventer une vie exceptionnelle, plus mouvementée, plus sombre aussi, voilà ce qui lui plaisait, et voilà ce à quoi elle aspirait...

Déa vécut plusieurs années aux crochets de ses parents, vivant seulement de quelques articles mal payés, qui ne lui permettaient pas de s'assumer seule. Ça lui convenait bien, ça encourageait en elle cette paresse délicieuses qui provoquait la tout aussi délicieuse exaspération de ses parents. Un jour, elle achèverait un roman, un jour, elle serait connue pour ses écrits et richissime... Un jour, mais pas ce jour-ci, ce jour-ci, elle glandait allègrement. Quoique... elle en a fini un, de roman, mais elle ne le fait lire à personne.

Aujourd'hui, elle a tout de même emménagé dans sa propre maison pour le bonheur de ses parents. Et finalement de l'aventure, elle en connut, et le vrai désespoir, et finalement, elle aurait préféré évité. Folle amoureuse de son meilleur ami qui n'a d'yeux que pour une autre… Elle doit souffrir toujours de cette fatalité.

Un mot pour définir Déa, on vous dira souvent, et d’instinct : elle est joyeuse. C’est une fille enthousiaste, elle a toujours le sourire. Et c’est vrai. Il est bien rare de la voir taciturne ou bougonne, ou quand c’est le cas, elle prétend tout simplement l’être sans que la chose ait à être prise au sérieux. C’est le genre de fille qui donne l’impression d’aller constamment bien, un véritable rayon de soleil.  À force, on ne lui demande plus comment elle va, parce qu’on sait que “très bien” sera sa réponse. Et elle parvient à faire croire à tous que, effectivement, elle se porte à merveille. Pourtant, elle est loin d’être heureuse ou en paix avec elle-même. C’est une jeune femme en souffrance, qui parvient à le dissimuler sous des atours amènes et ravis.

Déa est une séductrice-née... le fait qu’elle soit née sirène y a très certainement contribué. Elle aime plaire et faire tourner les têtes. Hommes, femmes, peu lui importe, elle aime les plaisirs de la chair sous absolument toutes ses formes, et jusqu’à il y a peu, elle en usait et abusait. Provocatrice autant que charmeuse, elle n’a que peu de pudeur, et rien ne semble vraiment la déranger. Elle fait preuve d’un franc-parler souvent désarmant, et n’hésite jamais à mettre les pieds dans le plat.

Déa n’est pas quelqu’un de terre à terre, elle fait peu de cas des contingences matérielles, et aime vivre au jour le jour, parfaite hédoniste, sans se soucier du lendemain. Elle accumule ainsi des défauts charmants pour certains, insupportables pour d’autres : elle est maladroite, excentrique, flemmarde, tête en l’air, bordélique... bref.

N’allez pas la prendre pour autant pour l’adorable idiote qu’elle n’est pas. Déa ne manque pas d’être intelligente... et même un peu manipulatrice, à ses heures. Elle montre aux autres ce qu’elle veut bien montrer, et dissimule tout le reste. Comme ce tourment actuel et cette jalousie qu’elle n’a partagé avec personne.