Coraline Bates

Coraline mena la plus douce et normale des enfances. Elle vivait au village avec ses parents, parfaitement inconsciente du danger qui rôdait autour, protégée par ses parents, qui lui accordaient tout l'amour dont une enfant peut avoir besoin... De cette enfance, il n'y a pas grand chose à dire. Rien, même, pour ainsi dire. Elle se déroula aussi banalement que possible, mais Coraline, si elle s'ennuyait un peu alors de toute cette monotonie, devait bien vite découvrir que la banalité est un essentiel du bonheur.

Se promener dans la forêt, quand on est simple humain, n'est jamais une bonne chose. Les Bates, sans savoir l'horreur qui les attendait au tournant de l'un des chemins obscurs de ces bois, le savaient pertinemment. Seulement, il faut bien vivre et se nourrir. Ce fut alors que la jeune fille et ses parents étaient partis à la cueillette aux quelques champignons qui devaient composer un dîner qu'ils ne savoureraient jamais qu'ils firent la rencontre de celui qui devait pour toujours changer leurs existences... ou les réduire à néant. Coraline ne vit pas le visage de leur agresseur. Tout se déroula si rapidement qu'elle n'eut le temps de comprendre que quand ses yeux s'ouvrirent sur le monde à nouveau, pour se poser sur le cadavre de ses parents... Elle aussi, était morte. Mais pour sa part, elle avait été maudite... Elle n'aurait sans doute jamais compris ce qui lui était arrivé si son chemin n'avait pas croisé celui d'un autre vampire. Heureux hasard ? Naïve, du haut de ses douze ans, elle le crut bel et bien. Le fait est qu'il s'agissait de son assassin, qui cherchait alors à se racheter. Auprès de Joachin, elle apprit à comprendre sa situation nouvelle, faute de l'accepter, et surtout, elle put ne pas rester seule.

... Devenue vampire, elle fut bien contrainte de s'abandonner à sa nature bien que, dans un premier temps, elle lutta au maximum contre cette-dernière. Elle ne voulait pas devenir comme le monstre qui avait détruit sa famille et l'avait transformée... D'autant moins que, quelques mois après sa transformation, elle fit la rencontre d'un jeune garçon de son âge. Elle aimait passer son temps avec lui, lui qui lui donnait ce sentiment agréable et incomparable d'être encore humaine. Elle en tomba très amoureuse. Encore aujourd'hui, elle le considère comme l'amour de sa vie. Savoir qu'il partageait ses sentiments aurait dû la rendre follement heureuse... à la place, quand il se déclara à elle, elle le rejeta brusquement. Non contente de tuer les gens de son espèce, elle ne pouvait rien lui promettre alors qu'elle ne vieillirait plus quand lui-même subirait les affres du temps. Elle lui avoua la vérité. Il sembla moins supporter ses mensonges que sa nature. Il partit. Et ils ne se reparlèrent plus jamais.

Cette première (et dernière, car elle ne s'autorisa dès lors plus à aimer) peine de coeur brisa à jamais quelque chose en elle. Elle s'éloigna de Joachin, se livra de plus en plus à ses instincts nouveaux, quitte à y perdre son humanité. Toute vampire qu'elle était, elle fut un jour confrontée à ses ennemis naturels. Elle ne dût son salut qu'à l'intervention miracle d'un sorcier, ou plutôt, DU Sorcier. Leur rencontre bouleversa une nouvelle fois sa vie qu'il avait alors sauvé. Elle lui promit allégeance, et c'est à son service,qu'elle travaille aujourd'hui, capturant ses victimes, les assassinant au besoin, à son service, auquel elle est depuis quinze ans, qu'elle apprit à ne plus rien éprouver, et à ne plus rien espérer, simple automate au service d'un seul maître et d'un seul objectif.

Beaucoup de ceux qui connaissent Coraline aujourd'hui vous affirmeront que la demoiselle n'a pas de coeur. Et pour cause, elle est souvent froide, distance, comme si elle refusait catégoriquement que l'on transperce sa carapace, elle a dressé une barrière invisible entre elle et les autres, en témoigne son visage insondable, indéchiffrable. Par conséquent, on peut aisément la penser insensible, tant elle demeure impassible face aux situations les plus tragiques ou les plus violentes... les plus heureuses non plus, d'ailleurs. On ne la voit jamais ni rire, ni pleurer... Alors oui, sa réputation de demoiselle sans coeur s'est faite rapidement... mais la vérité, c'est que son caractère s'est nourri d'une trop grande sensibilité. Un coeur, elle en a un, un coeur qui a battu, aimé, compati, souffert... et c'est parce qu'il a trop souffert, justement, qu'elle a mis ce coeur sous scellé pour, à la place, donner d'elle l'image d'une demoiselle (qui n'est en vérité plus si jeune) froide et profondément indifférente.

Oh, cela n'excuse pas tout, bien sûr. La demoiselle ne fait pas semblant d'être implacable, elle l'est, et elle peut effectivement voir le sang couler sans s'en émouvoir. Sans sadisme non plus d'ailleurs, c'est juste une part intégrante de son travail. Dès l'instant où le Sorcier l'a prit sous son aile, elle a accepté de libérer la violence qu'elle avait en elle. C'est quand elle en fait preuve, d'ailleurs, qu'on discerne en elle une rage profonde qui la rend à la fois monstrueuse et en même temps humaine. Elle est d'un incommensurable pessimisme. Elle ne croit pas en l'humain, ni ne croit vraiment aux ambitions de son maître. Si elle accepte de l'aider, si elle lui est dévouée, tel un docile automate, parfaitement obéissant, c'est parce qu'elle a envers lui une dette de sang et qu'il l'a toujours protégé. Elle n'a pas froid aux yeux, quand elle doit se frotter au danger, elle ne craint pas la mort, puisqu'elle est déjà morte, alors de quoi s'inquiéter ?