Les histoires de famille sont les plus compliquées | Ambre & Preston

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mbre s'étala telle une larve sur le grand lit de la chambre qu'elle avait décrété être la sienne il y a quelques jours de cela. Elle regretterait presque d'avoir mis tout ce temps à déménager ses affaires dans sa nouvelle chambre, le lit d'Edward était cent fois plus confortable que le sien. Mais bon, elle avait gardé le bête espoir qu'Edward revienne... Sauf que non... pour une raison qui lui échappait totalement, il restait agrippé à sa fichue femme qui lui faisait si souvent tirer la tronche, et elle allait donc devoir s'y faire une bonne fois pour toutes. Récupérer la chambre de son frère, c'était, on va dire, son lot de consolation.

Ca faisait des mois, maintenant, qu'il avait déménagé, mais Ambre continuait de ressentir la différence. C'était bizarre... Il y avait eu tellement de vie dans cette maison. Ils étaient cinq, au départ, et maintenant, il n'y avait plus qu'elle et Preston. Elle savait que c'était bête, surtout qu'Edward ne les avait pas abandonnés (même si elle en avait parfois l'impression) ni n'était parti pour de bon, mais elle avait quand même l'impression que tout le monde la laissait, petit à petit, et qu'un jour ou l'autre, il n'y aurait plus personne.

Mais elle n'était pas seule, ceci dit. Il restaitt quand même Preston, même si, ben... elle l'adorait, bien sûr, mais elle avait plus de mal à connecter avec lui. Sans doute parce que son grand frère agissait en adulte, contrairement à Edward qui restait un adolescent attardé. Elle aimerait parfois qu'il ait moins la tête au travail, qu'il se déride, qu'ils délirent ensemble... mais bon... ça aussi, c'était sûrement une impression. Tout paraissait plus austère, à présent.

Elle était rentrée de cours, et pour une fois, elle était directement retournée chez elle, décidée à glandouiller tranquillement en attendant le retour du frangin. Et en parlant du loup...

-Tu tombes bien, je meurs de faim, décréta Ambre sans cérémonie tout en allant à la rencontre de son frère. Qu'est-ce qu'on mange ?

D'accord, Ambre devrait laisser à Preston le temps de respirer, mais ce n'était pas son genre. Et puis, au fond, c'était pas si mal, non ? Ils allaient pouvoir passer un peu de temps ensemble, ce n'était pas si souvent, donc Preston avait peu de chances de le lui reprocher.

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mbre haussa à son tour les épaules (ça devait être un truc de famille) quand Preston lui rétorqua qu’il n’avait certainement pas décidé du dîner puisqu’il venait tout juste de revenir du travail. Elle ne voyait absolument pas en quoi ça changeait quoi que ce soit à l’affaire. L’adolescente, dans tous les cas, n’avait pas envie de faire le moindre effort, et en attendant, elle mourrait effectivement de faim. Preston aurait pu anticiper la préparation de leur repas du soir, non ? Bon, autant qu’elle, elle avait deux bras et deux jambes, elle était parfaitement capable de faire les choses par elle-même. Ceci dit, elle avait le sentiment que quand elle prenait des initiatives, ce n’était jamais du goût de son frère… d’aucun de ses deux frères. Ceci dit, les initiatives de la jeune femme étaient rarement culinaires, il faut bien l’admettre.

-Qu’est-ce qui te fait dire que je ne suis pas épuisée ? répliqua-t-elle alors simplement, sans chercher forcément non plus à se montrer totalement convaincante. Je suis exténuée.

Ce n’était pas vrai. Sa journée avait été longue mais certainement bien moins longue que celle de Preston dans tous les cas. Ceci dit, Ambre, qui n’avait aucune notion du monde du travail, aurait envie de rétorquer qu’il ne tiendrait qu’à Preston de moins s’échiner à la tâche et d’être plus présent à la maison. Enfin, ça c’était l’éternel débat. Elle comprendrait « quand elle serait plus grande »… ça pouvait prendre du temps.

-J’ai pas envie de cuisiner, ajouta-t-elle avec un soupir exagéré quand son frère lui demanda ce qu’elle avait envie de manger.

Ambre était une procrastrinatrice et une feignasse dans l’âme, elle détestait faire le moindre effort, et elle avait tendance à dépenser toute son énergie à faire des conneries, n’en consacrait que peu, à côté, à faire les choses bien, ou à faciliter la tâche de son frère, qui se saignait aux quatre veines pour lui proposer – leur proposer à elle et à Edward – la meilleure vie possible. Ce n’était pas gagné. Pas gagné du tout, même.

-Ça te dit, on va manger dehors ? suggéra-t-elle dans un élan de motivation soudain.

Et pourquoi pas. Ça leur ferait sans doute du bien de sortir un peu. Comme ça, ni l’un ni l’autre n’auraient besoin de cuisiner, ils auraient juste besoin de mettre les pieds sous la table. C’était pas mal, non ? Ambre était d’avis que oui, en tout cas.

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e sourire d'Ambre s'effaça quand son frère refusa net sa proposition d'aller manger dehors, sous le prétexte qu'il était fatigué et préférait rester tranquillement chez lui. C'était parfaitement compréhensible, en soin bien sûr... mais Ambre ne cherchait pas à comprendre... elle était juste déçue. Oui, elle avait faim et la flemme de cuisiner, c'est un fait, mais quand même, la seule idée de sortir un peu de leur climat habituel, de partager un moment avec son frère qui échapperait à leur petite routine, l'avait enthousiasmer, et cet enthousiasme venait de retomber comme un soufflet. C'était donc reparti comme une soirée qui ressemblait à toutes les autres. Et où Ambre, pour la peine, ne serait clairement pas dans les meilleures dispositions du monde (bon, en même temps, elle ne l'était jamais, mais quand même).

-Ok...

Elle haussa les épaules et alla s'affaler sur le premier fauteuil disponible. Bon ben, si c'était comme ça... elle allait sauter le repas du soir, parce qu'il était encore moins question qu'avant qu'elle cuisine. Ambre avait un esprit de contradiction beaucoup trop prononcé qui la poussait bien souvent à prendre des décisions stupides au lieu de se ressaisir, d'admettre ses torts et de faire ce qui était finalement le mieux. Preston avait raison, bien sûr, de vouloir qu'elle se responsabilise, qu'elle gagne en maturité... mais Ambre n'était pas si facile à convaincre dans son sens. Plus on attendrait d'elle qu'elle agisse en "adulte", ou qu'elle arrête ses conneries, en tout cas, plus elle en ferait, des conneries.

-Repose-toi bien, alors, ajouta-t-elle, boudeuse, en croisant les bras.

Qu'il aille donc se coucher, s'enfermer dans sa chambre ou elle ne savait quoi encore. Il méritait bien un peu de repos, elle-même pouvait le reconnaître, mais pour le coup, elle voudrait bien passer la soirée avec son frère, faire qelque chose qui sortait de l'ordinaire. Mais Preston ne cesserait jamais d'avoir des journées de travail épuisantes, Preston ne cesserait jamais de s'échiner à la tâche. Et elle, elle ne cesserait jamais de faire plusieurs pas en arrière quand, en réalité, elle aurait tout intérêt à faire preuve de plus de bonne volonté. Preston serait plus disponible si elle faisait davantage d'effort. Si elle participait aux courses, au ménage, à la cuisine... Bref, aux tâches ménagères. C'était le coup du serpent qui se mord la queue, et pour le moment, ça avait peu de chances d'évoluer.

-J'ai plus faim de toute façon...

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mbre pouvait bien reconnaître qu'elle avait cherché à prendre son frère par les sentiments, et qu'elle n'avait pas eu spécialement envie de se mettre aux fourneaux, mais malgré tout, son intention était réelle et sincère. Elle avait vraiment envie de juste passer un moment sympa avec son frère, loin de cette fichue baraque. Elle savait qu'elle poussait son frère à bout, qu'elle repoussait sans arrêt les limites, elle avait même conscience de ne pas être facile à vivre, mais parfois, elle pouvait être relativement bien intentionnée. Si elle en avait les moyens, elle proposerait même à Preston de lui offrir son repas. Ce qui ne signifiait pas que son geste soit totalement désintéressé, mais il y avait un minimum d'intention pure derrière : elle voulait passer du temps avec son frère, pour de vrai.

Elle afficha un sourire quand Preston proposa qu'ils aillent manger dehors, ravie d'avoir obtenu gain de cause, mais elle déchanta un peu quand elle reprit la parole. D'accord, Ambre n'était pas facile à vivre, mais le fait est que plus on la réprimandait comme il était en train de le faire, plus son esprit de contradiction au-delà d'affirmé demandait à ce qu'elle se montre plus terrible encore. Elle n'estimait pas, en l'occurrence, s'être comportée si mal que ça... Et elle ne trouvait pas le propos de son frère totalement justifié non plus. Ou en tout cas pas complètement. Elle avait le sentiment, à l'entendre, qu'elle ne faisait jamais rien pour son frère. OK, c'était pas si courant. Mais ça arrivait quand même, parfois.

-Désolée d'être un fardeau pour toi, répliqua, de mauvaise grâce, la jeune fille en enfilant comme demandé (comme si elle avait cinq ans, pensait-elle sans le dire histoire de ne pas envenimer les choses plus encore) ses chaussures et sa veste.

Ses efforts n'étaient peut-être pas aussi remarquables que ceux de Preston, qui menait la barque, qui travaillait comme un forcené, qui suait sang et eau pour qu'elle ne manque de rien, mais il lui arrivait d'en faire... En prenant sur elle, en allant en cours, en ne faisant pas l'école buissonnière. Forcément, ça devait passer pour des choses évidentes... La vérité, c'est qu'être une déception pour son frère, ça lui faisait mal. Dernièrement, elle se prenait constamment la tête, et avec Preston, et avec Edward. Et elle se sentait seule.

-Tu veux manger quoi ? demanda-t-elle avec mauvaise volonté.

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mbre avait-elle réellement le sentiment d'être un fardeau pour Preston ? Eh bien... et même si elle en avait un peu rajouté dans les circonstances présentes, oui, c'était le cas. Et dans le fond, elle pouvait même bien avouer que c'était logique qu'elle en soit un. Preston n'avait rien demandé à personne, et du jour au lendemain, il s'était retrouvé à devoir assumer le rôle que leurs parents n'étaient plus là pour remplir, sans lui laisser le temps de faire son deuil convenablement son deuil. Alors que Ambre et Edward ne faisaient que ça, pour leur part. L'un et l'autre étaient des petits cons, on ne va pas se mentir, mais il est vrai aussi qu'ils avaient eu tendance à l'être plus encore après la mort de leurs parents, pour gérer le traumatisme du corps de la mère retrouvée, pour faire face au changement... Gérer tout ça, c'était difficile, et évidemment, dans le fond, qu'ils étaient un fardeau pour Preston, en plus, ils lui facilitaient rarement la tâche.

Mais Preston la remit bien vite à sa place, lui assurant qu'elle n'était pas un fardeau, qu'elle ne devait surtout pas le penser. C'était plus facile à dire qu'à faire, en vérité. Ambre n'avait pas voulu pointer les imperfections de son frère, et elle commençait à culpabiliser à l'idée que son discours puisse le faire imaginer qu'il n'était pas à la hauteur. Ce n'était pas le cas du tout... Justement, c'était ça le problème : Preston, pour Ambre, était trop parfait, il avait l'air de réussir partout où elle-même échouait lamentablement en dépit de tous les efforts qu'elle essayait de fournir... Il savait parfaitement gérer l'affaire familiale, et en effet, grâce à lui, ils n'avaient jamais manqué de rien. Et elle aussi, elle l'aimait. Mais tout était toujours si compliqué. Et exprimer convenablement ses sentiments l'était aussi au passage.

-On pourrait juste aller manger à l'auberge ? suggéra-t-elle alors.

Elle aimait bien aller à l'auberge, surtout parce que c'était un endroit envahi d'"adultes", elle avait tout à fait le droit d'y être, mais ce n'était pas forcément le restaurant familial par excellence, et elle aimait bien ça.

-Tu sais... hum... Elle ne savait pas du tout s'y prendre, mais en même temps, maintenant qu'ils sortaient manger ensemble, elle avait pas envie d'en rajouter une couche. Moi aussi je t'aime. Je suis désolée que t'en aies pas forcément l'impression...

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